SOYONS CLAIRS – entretien avec Isabelle Marton – Parlement européen

Isabelle Marton_Soyons-clairs

Dans la continuité de notre série d’entretiens d’experts du langage clair de tous horizons, Isabelle Marton, cheffe de l’unité « Langage clair et vérification rédactionnelle » au Parlement européen, nous fait le plaisir de répondre à nos questions.

Quel est le travail de votre unité ?

L’une des principales missions de mon unité est de promouvoir l’utilisation d’un langage clair pour rendre les contenus du Parlement européen plus accessibles aux citoyens. J’ai la chance d’avoir une équipe de professionnels du langage clair qui travaillent aux côtés des auteurs. Ils revoient les textes originaux pour en assurer la correction linguistique, en tenant compte des considérations politiques propres à notre institution et des principes du langage clair. Leur travail porte aussi bien sur des documents de la séance plénière, des comptes rendus de réunions de commission, des sites internet ou encore des scripts de vidéos et de podcasts. C’est d’autant plus important que ces contenus sont ensuite traduits en 24 langues !

Nos experts proposent également des formations à la rédaction claire, avec des astuces selon les langues et les types de documents. Ces cours sur mesure sont ouverts aux députés et à leurs assistants, aux secrétariats des commissions parlementaires et à toute unité qui en fait la demande. Pour mener toutes ces initiatives, nous bénéficions du soutien précieux de nos instances dirigeantes.

Le langage clair doit devenir une saine habitude. C’est un vrai travail de sensibilisation avec des retombées concrètes.

Quelle est l’utilité du langage clair pour le Parlement européen ?

Au Parlement, nous préférons parler de « langage des citoyens » car en évitant le jargon au profit d’une langue plus simple, nous parlons au plus grand nombre, dans les 24 langues officielles de l’Union européenne. Un langage plus accessible renforce la transparence, la confiance des citoyens. De plus, tout le monde gagne du temps avec des messages plus efficaces.

Le langage clair apporte un ensemble de bénéfices, car écrire clairement évite les doutes et permet d’atteindre l’objectif du document : informer, solliciter une action, ou obtenir une réponse. Il s’agit pour tout un chacun de revoir sa manière d’écrire en pensant à qui est destiné le message – des jeunes, des experts… Pour s’assurer que le lecteur comprend et utilise facilement le texte, l’auteur doit se mettre à sa place et appliquer quelques principes de base, conformément à ceux que nous propose la nouvelle norme ISO langage clair et simple.

La norme ISO a un an, qu’est-ce qui a changé depuis ?

Cette norme a marqué un tournant au Parlement européen car elle a offert un cadre reconnu sur le plan international. Nous avions une représentante dans le groupe de travail chargé, au sein de l’ISO, de rédiger cette norme, ce qui nous a permis de contribuer à toutes les étapes de son élaboration. En comblant un vide, elle nous propose une définition qui fait consensus parmi les experts du langage clair, avec des recommandations précises pour concevoir des documents papier ou numériques, qui soient clairs et fonctionnels.

Cette norme nous a donné l’occasion de revoir nos lignes directrices du langage clair, rassemblées aujourd’hui dans un guide en 24 langues, avec beaucoup d’exemples concrets applicables à chacun des formats que nous utilisons – texte, audio et vidéo. Le groupe de travail a décidé de ne pas s’arrêter en si bon chemin : après la partie généraliste, publiée l’an dernier, il prépare un deuxième volet sur la rédaction juridique et, un troisième, sur la rédaction scientifique. L’ajout d’un module juridique à la norme ISO est prometteur pour le développement du langage clair dans la législation.

Quelles sont les perspectives ?

Pour l’instant, la norme ISO est d’application volontaire, elle nous donne une référence commune pour guider les prochaines étapes. La communauté d’experts du langage clair réfléchit à une future certification, avec l’espoir d’amorcer un cercle vertueux. La norme ISO nous fournit d’ores et déjà l’occasion de renforcer nos liens entre experts, je pense que nous devons la saisir et échanger nos bonnes pratiques pour faire progresser la cause du langage clair, notamment entre administrations publiques, nationales et européennes.

Par ailleurs, en plus des ateliers et des conseils que nous donnons sur le thème du langage clair, nous multiplions les initiatives de sensibilisation au-delà de notre institution. Les Journées du Multilinguisme que nous organisons chaque année au Parlement européen sont ouvertes à tous et proposent des ateliers de langage clair en plusieurs langues, dont le français et l’anglais. C’est toujours un grand plaisir de voir des classes de lycéens participer ! Rejoignez-nous le 27 septembre en ligne et le 28 en ligne ou directement au Parlement européen à Bruxelles.

Comment se situe la France par rapport aux autres pays européens ?

La France a beaucoup progressé sur le sujet. Elle n’a pas été une pionnière comme les pays scandinaves qui ont adopté le langage clair pour les lois et l’administration il y a des décennies, mais elle est maintenant engagée dans une démarche de simplification administrative. Ce que fait la Direction Interministérielle de la Transformation Publique (DITP) est très encourageant et contribue à insuffler un changement de mentalité.

Les fonctionnaires européens sont-ils bien engagés dans la démarche du langage clair ?

Si j’en crois le nombre croissant de participants à nos cours de formation au langage clair, je vous dirais que, oui, nous sommes sur la bonne voie. Depuis le début 2024, plus de 500 collègues ont participé à nos ateliers. Les Journées du Langage des Citoyens que nous organisons depuis plusieurs années sont très suivies par le personnel. Par ailleurs, je préside un groupe de travail interinstitutionnel pour mener, avec mes homologues des autres institutions, des actions communes et échanger nos bonnes pratiques dans le domaine du langage clair. Dans toutes ces initiatives, nous sentons un véritable enthousiasme chez les participants qui réalisent les effets positifs du langage clair sur les contenus qu’ils produisent. C’est très gratifiant.

Peut-on dire que cela rapproche les Européens ?

C’est le but ultime en tout cas. En ayant de plus en plus accès à des contenus clairs et compréhensibles, dans leur langue, dans différents formats, les citoyens auront davantage le sentiment de faire partie d’une communauté, ils se sentiront plus impliqués dans les affaires européennes. Un langage clair augmente la transparence et donc la responsabilité, puisque les citoyens peuvent mieux suivre ce que font leurs élus s’ils comprennent mieux leurs textes. C’est fondamental pour la démocratie. Permettre l’accès à des contenus plus clairs, c’est tisser des liens de confiance au sein de l’Union européenne. À l’image de l’arbre, le langage clair est un projet ambitieux dont nous avons planté les graines et dont nous commençons, avec plaisir, à voir les jeunes pousses.

À titre personnel, qu’est-ce qui vous motive dans le langage clair ?

Ce qui nous motive, mes équipes et moi, ce sont les résultats concrets que nous voyons au quotidien. Constater que les participants des formations appliquent le langage clair et deviennent nos ambassadeurs, c’est notre plus belle récompense ! Cet effet boule de neige est très valorisant et nous donne envie d’aller plus loin.

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